Zéro Janvier reviewed Parasites by Nicolas Framont
Parasites
5 stars
Nicolas Framont est le rédacteur en chef de Frustration, un magazine en ligne dont je suis un lecteur assidu depuis quelques années. J’en apprécie la ligne éditoriale : un engagement fort que l’on peut situer dans la « gauche radicale » du spectre politique, à savoir une gauche qui lutte pour une transformation radicale de la société ; on y parle ouvertement de lutte des classes, de bourgeoisie et de sous-bourgeoisie, de complicité entre Etat et capital, et des moyens pour la classe laborieuse de renverser la domination et l’oppression qu’elle subit.
On retrouve ce combat et ces thématiques dans Parasites, l’ouvrage que vient de publier Nicolas Framont. Le projet du livre apparait clairement dans son titre et dans la citation mise en avant sur la couverture : « Les classes bourgeoises sont des parasites qui se nourrissent de notre travail, de nos impôts, de notre vie politique, …
Nicolas Framont est le rédacteur en chef de Frustration, un magazine en ligne dont je suis un lecteur assidu depuis quelques années. J’en apprécie la ligne éditoriale : un engagement fort que l’on peut situer dans la « gauche radicale » du spectre politique, à savoir une gauche qui lutte pour une transformation radicale de la société ; on y parle ouvertement de lutte des classes, de bourgeoisie et de sous-bourgeoisie, de complicité entre Etat et capital, et des moyens pour la classe laborieuse de renverser la domination et l’oppression qu’elle subit.
On retrouve ce combat et ces thématiques dans Parasites, l’ouvrage que vient de publier Nicolas Framont. Le projet du livre apparait clairement dans son titre et dans la citation mise en avant sur la couverture : « Les classes bourgeoises sont des parasites qui se nourrissent de notre travail, de nos impôts, de notre vie politique, de nos besoins et de nos rêves … ». Il s’agit de dénoncer la classe sociale dominante et ses pratiques parasitaires vis-à-vis du reste de la société qu’elle entend continuer à dominer.
Après une introduction qui a pour but de « désigner l’adversaire », l’ouvrage comporte quatre grandes parties :
Anatomie : pour rendre visible la classe bourgeoisie, la décrire en tant que classes dominante et présenter son modèle de reproduction (par l’héritage, l’exploitation et l’accumulation de capital), à travers le parcours de plusieurs « capitaines d’industrie » à la française, loin des biographies hagiographiques des magazines mainstream qui effacent bien souvent les étapes les moins conformes au récit dominant souhaitant glorifier l’esprit entrepreneurial de ces dirigeants géniaux, surhumains et visionnaires.
Toxicité : pour décrire les moyens mis en oeuvre par la bourgeoisie pour assoir sa domination sociale et culturelle, notamment à travers la complicité d’une sous-bourgeoisie (la fameuse « élite culturelle ») et d’une petite bourgeoisie (professions libérales, artisans, commerçants) ; l’auteur montre notamment comme les valeurs bourgeoises ont envahi la sphère culturelle et idéologique au point que ces valeurs sont désormais intériorisées, y compris au sein des classes laborieuses : la « valeur travail », la fameuse « méritocratie républicaine » et son « ascenseur social », l’individualisme, le développement personnel comme solution individuelle à des problèmes collectifs, etc.
Symptômes : pour expliquer les grands maux dont la classe bourgeoise est responsable : la grande dépossession, la grande subvention, la grande complexification, la grande démission, et la grande destruction ; l’auteur illustre chacun de ces concepts par des exemples concrets et raconte ainsi l’histoire de l’essor du néolibéralisme, la complicité servile de l’Etat, et ses effets sur la société ; le chapitre s’achève sur une revue rapide des faux remèdes qui à ses yeux (et aux miens) se trompent d’adversaire, parfois volontairement pour détourner l’attention : le repli identitaire (« les étrangers et notamment les musulmans sont une menace pour notre civilisation »), la surenchère néolibérale (« cela ne marche pas, il faut donc aller toujours plus loin »), et le souverainisme (« L’Union européenne est un carcan qui empêche les Etats-nations de mener des politiques sociales », comme si les gouvernements nationaux auraient la moindre velléité de mener des politiques différentes sans les soi-disant contraintes de l’Union européenne, bouc-émissaire bien facile pour nos gouvernements successifs).
Remèdes : après avoir sensiblement cassé le moral du lecteur dans les trois premières parties, l’auteur tente d’apporter un peu d’optimisme avec des pistes et des propositions pour s’attaquer aux problèmes qu’il a décrits jusque là ; je ne sais pas si j’ai été totalement rassuré, mais c’est tout de même très bien pensé et porteur d’espoir.
Nicolas Framont a un parcours où il a porté plusieurs casquettes, tour à tour et parfois en même temps. Sociologue de formation, il a enseigné à la Sorbonne, il a été assistant parlementaire pour La France Insoumise (dont il s’est éloigné depuis), il a co-fondé le magazine Frustration, dont il assure la rédaction en chef en parallèle d’une activité agricole, et le livre évoque également ses interventions auprès de CSE de plusieurs entreprises pour des missions d’expertise et d’accompagnement auprès des représentants du personnel. Ces expériences multiples enrichissent le livre, où on retrouve à la fois des réflexions théoriques rigoureusement étayées (on retrouve la pratique universitaire d’indiquer les sources en notes de bas de page) et des exemples concrets tirés de l’expérience du terrain.
Par certains aspects, ce livre peut faire penser à l’excellent Histoire de ta bêtise de François Bégaudeau, qui s’attaquait à une certaine sous-bourgeoisie complice du capitalisme et de la classes bourgeoise. Je dirais tout de même que là où François Bégaudeau avait signé un pamphlet jouissif mais peut-être un peu vain, Nicolas Framont propose un essai à la fois engagé et sérieux, qui mêle des constats documentés, une réflexion théorique, et des propositions de moyens d’action pour ouvrir des perspectives de lutte.
L’épilogue est à la hauteur du reste du livre : excellent. Après nous avoir parlé de la compagnie Total et de son président, l’auteur nous propose une brève fiction d’anticipation positive, qui s’achève par ces mots avec lesquels j’ai envie de conclure cette chronique :
« L’avenir n’est pas tout rose, mais au moins, il nous appartient. »